Après une bonne nuit de repos, le 41eme part à 7h00 du matin. Les hommes ont profité de ce départ tardif pour nettoyer les uniformes, les armes. On se soigne les pieds que l'on graisse avec précaution.

La 38eme Brigade arrive à Fosse en Belgique, les habitants sont aux portes des maisons, distribuant au passage bière, vin, cigares, gâteaux.

Les Allemands sont signalés de l'autre côté de la Sambre, Namur qui est à 14 kilomètres a déjà reçu quelques obus. D'ici peu les Bretons vont voir la bataille.

La 38eme Brigade est couverte par les 3 Bataillons du Régiment depuis Ham-sur-Sambre jusqu'à Floreffe dans le dispositif suivant :

- 1er Bataillon à Ham sur Sambre, 2eme Bataillon (7eme et 8eme Compagnies) à Mormimont,

- 3eme Bataillon à Floreffe.

- L'EM et la 6eme Compagnie sont logés au Château de Taravizée,

- La 5eme Compagnie est soutien d'artillerie à 500m au Nord de Taravizée,

- L'escadron divisionnaire cantonne également à Taravizée.

Les Allemands sont signalés de l'autre côté de la Sambre ; Namur qui est à 14 kilomètres de nous a déjà reçu quelques obus. D'ici peu nous allons voir la bataille. Les états-majors sont au milieu de leurs troupes.

A Fosse, la colonne se disloque, la division prend la formation de combat. Le 2eme bataillon prend la petite route d'Arsimont et s'installe sur une hauteur, la cote 420, qui domine la vallée de la Sambre et toute la pente douce qui y mène.

Deux compagnies sont descendues jusqu'à la Sambre : la 7eme garde la boucle de Mornimont, la 8eme occupe la boucle de Ham.

Vers midi, la 6eme Compagnie et l’état-major rejoignent le château de Taravisée où le colonel est reçu par un groupe d'officiers de chasseurs.

Un aéro allemand survole le château, il est accueilli par une fusillade nourrie dont les balles retombent de tous côtés autour des soldats de la 6eme Compagnie.

La 5eme Compagnie forme les faisceaux dans les champs voisins en attendant les ordres.

Les reconnaissances effectuées par le 5eme Chasseurs d'Afrique ont établit le contact avec l'ennemi. Les uhlans sont entrés à Jemeppe. L'ordre arrive de reporter la 8eme compagnie vers Mornimont, où se trouve déjà la 7eme Compagnie, le 1er bataillon vient occuper la boucle de Ham-sur-Sambre.

Vers 17h00, le colonel Passaga, qui se promène dans le parc à grands pas, reçoit les renseignements suivants :

''Le général Sorbet qui commande toute notre cavalerie a été obligé de se replier devant la cavalerie allemande. Il faut que le 41eme RI garde les ponts de la Sambre coûte que coûte''.

Le 2eme bataillon part immédiatement pour Franière et Demange. Le colonel fait appeler les chefs de section de mitrailleuses, et leur recommande de bien placer leurs pièces pour prendre les ponts d'enfilade.

A Demange, les gens sont affolés de nous voir arriver et mettre 1e village en état de défense. Pour la première fois, les jeunes bretons entendent le roulement sourd du canon du fort de Malonne, le plus près d'eux dans la défense de Namur, dans quelques heures, dans quelques instants peut-être, ce sera pour eux...

A l'Est, on aperçoit la vallée de la Sambre dont les rives escarpées sont couvertes de forêts épaisses. Au Nord, la vallée se continue et décrit de nombreux méandres que commandent les hauteurs voisines.

Pendant ce temps, les équipes téléphoniques sous les ordres du Lieutenant Richard placent des lignes qui relient les commandants de bataillons au colonel, dont le poste se trouve au château de Taravisée.

Au moment où le soleil disparaît dans un ciel rouge sang, tous les ponts sont gardés par des postes renforcés. A la tombée de la nuit, le dispositif est le suivant : Le 1er bataillon occupe les ponts de la boucle de Ham-sur-Sambre. Un premier pont pour la route de Ham à Moustier, un deuxième pont pour le chemin de fer ; ce fut la 1ere compagnie, commandée par le Capitaine L'Hospital, qui fut placée là, face au nord-est, abritée dans le fossé qui borde la rivière. La 2eme compagnie, sous le commandement du Capitaine Gaquières, se chargea du pont du chemin de fer et de la passerelle sur la branche ouest de la rivière. Les deux autres compagnies, la 3eme commandée par 1e Capitaine de Tressan et la 4eme commandée par le Capitaine Jouanneau, restaient momentanément en réserve dans le village et dans ses environs. Les ponts sont relativement faciles à défendre, mais la position de Ham, dans la vallée, dominée de toutes parts par les hauteurs au nord de la Sambre, est défavorable, car l'artillerie ennemie peut atteindre tous les points de la boucle.

Le lieutenant Lendormy est chargé avec sa section de creuser des tranchées pour surveiller la pointe de la boucle.

Le 3eme Bataillon est à Franière, au voisinage des fameuses usines de Saint-Gobain. Quant au 2eme bataillon, il défend la boucle de Mornimont : la 7eme Compagnie (Capitaine Roubichou) et la 8eme Compagnie (Capitaine Rougé) sont en première ligne, la 6eme Compagnie (Capitaine Deschard) et la 5eme Compagnie (Capitaine Tuloup) sont en réserve sur la route ou au château de Taravisée. Pendant toute la nuit, l'artillerie arrive.

Le soir, personne ne mange, l'appétit ne marche pas du tout. Les hommes sont énervés et ne peuvent s'empêcher d'éprouver une certaine crainte. Demain, le 41eme aura certainement la bataille. Les hommes sentent que l'ennemi est là, dans l'obscurité, à quelques kilomètres d'eux. Les hommes s'imaginent déjà fracassant tout ce qu'ils rencontrent, des ruées de combattants, des amoncellements de cadavres et de blessés. La réalité devra être encore plus terrible...

Les hommes de la 6eme Compagnie passent la nuit dans l'écurie du château, couchés sur la paille à côté des chevaux du colonel. Ils n'arrivent pas à fermer l’œil : les chevaux piaffent ; dehors ils entendent le passage de l'artillerie sans arrêt sur la route.

Dans l'obscurité, les hommes des autres Compagnies bivouaquent en bivouac d'alerte, pas de feux autres que de petits trous dans la terre pour faire le jus; les soldats se réchauffent en battant la semelle, en faisant les cent pas. Les hussards sont aussi alertés, chevaux sellés, simplement débridés. Tout le monde cause à mi-voix par petits groupes.