• Les grandes manœuvres de septembre 1912

    LES GRANDES MANOEUVRES

    11O OOO HOMMES

    500 CANONS

    50 AEROPLANES

     

     Pas cadencé, marche !

    Et voilà que la musique attaque allègrement un pas redoublé, tandis que le régiment se met à frapper subitement la grande route blanche d'un pas égal et sonore. Et il entra victorieusement dans la petite ville où il cantonnera ce soir. Les hommes sont sur le seuil des perles, les femmes garnissent les fenêtres, les bambins sont venus jusque dans la rue pour voir les soldats et afin que cette rapide vision de gloire s’incruste mieux dans leur mémoire en éveil.

    Le régiment passe la tête haute et la jambe droite, un sourire blagueur aux lèvres. Il n'est donc point fatigué ? Voici pourtant le cinquième jour qu'il arpente les roules de Bretagne et d'Anjou, semant derrière lui, l'une après l'autre, les bornes kilométriques.

    Demain jour de repos ; on pourra dormir dans la paille, un peu rare cette année, jusque six heures, jusque sept heures peut-être, et puis on flânera dans les champs généreux de l'Anjou, sous un ciel qui semble vouloir sourire...

     

    Le régiment est rentré. La ville qui le reçoit est une toute petite ville de 5.000 habitants. Et elle abritera ce soir toute une division. La ville c'est Longué (Maine-et-Loire), la division c'est la 19e (Xe corps d'armée). Il y a là le 48e de Guingamp, le 71e de Saint-Brieuc ; les régiments de Vitré, Saint-Malo, Saint-Lô, etc... s'échelonnent aux environs.

    C'est qu'en effet Longué qui, jusqu'ici, avait réussi à passer inaperçue, vient d'être promue tout a coup au grade de point stratégique important. C'est là qu'une partie des troupes qui tout à l'heure prendra part aux grandes manœuvres d'armée, sous les ordres du général Galliéni, est venue se concentrer.

     

    Aujourd'hui, 11 septembre, elles se mettront en marche pour prendre, le contact avec l'ennemi, mais, à mon sens, on a tort de croire que les manœuvres commenceront seulement à cette heure matinale où les deux partis se mettront en marche l'un vers l'autre, se cherchant et s’espionnant sur les bords de la Loire.. Les manœuvres, comme la guerre, commencent à la mobilisation, et l'une des choses les plus intéressantes et même les plus précises que l'on puisse dire de ces grandes manœuvres d'automne, c'est la manière dont la concentration s'est-effectuée.

    Les régiments de l'Ouest, du Centre et du Sud-Ouest convergent, étapes par étapes, vers les points où un ordre supérieur les appelait sans que eux-mêmes en sachent rien ? C'était cela la mobilisation et la concentration. Et rien assurément ne serait plus curieux à suivre que ce mouvement mathématique des régiments multicolores vers le champ de bataille, si l'on pouvait en avoir une vue d'ensemble.

    Caserne Saint Georges à Rennes 

    Le premier jour, le 41e partit de très grand matin, par un train, ou plutôt par trois trains spéciaux, dans des wagons à bestiaux, « aménagés » pour des soldats. Ceux-ci, ne voyant pus les coussins, demandèrent bien à quelques employés de la gare le cahier de réclamations, mais n'eurent aucun succès. lls partirent donc et, douze heures après, débarquèrent dans le Maine-et-Loire, tous étonnés de voir que la poussière de charbon avait remplacé sur eux celle qu'au cours de marches, ils prennent ordinairement aux grandes routes.

    Ils ne perdirent rien pour attendre, car ils ont depuis, marché quatre jours sur les chemins d'Anjou, sous le soleil. Marches fatigantes, s'il s'en fut, mais que les hommes de l'active et les réservistes accomplirent avec un joyeux entrain.

     Le général Galliéni, chef du parti bleu, dont le quartier général était hier à Cholet, a donné l'ordre au 10e corps d'armée commandé par le général Sordet, qui était sur la rive droite de la Loire de passer cette rivière au pont de Saumur. L'exécution de ce mouvement à commencé à cinq heures du matin.

    Le 10e corps après avoir traversé la Loire se dirige vers le sud. 

     

    La 38e brigade de la 19e division du 10e corps préparait contre le flanc droit de la 5e division une contre-attaque dont la vigueur et la soudaineté eurent pour résultat d'ébranler la 5e division. La 38e brigade composée des 41e et 70e d'infanterie monte à l'assaut de la position ennemie; les lignes blanches fortement étavées bousculent les lignes rouges malgré d'énergiques retours offensifs.
    A midi le 11e corps a un peu cédé à la pression du 9e mais le 10e repousse le corps provisoire au dessous de la ligne de chemin de fer allant de Moncontour à Mirebeau et le champ de bataille se resserre autour de Craon.

     

    Pour la seconde période des manoeuvres qui dura trois jours, le quartier général de la direction a été transporté à l'île Bouchard. Emergeant du lit de la Vienne comme une oasis de verdure, l'île sert de trait d'union entre les deux villages de Saint-Maurice et Saint-Gilles; deux ponts suspendus relient les rives.
    Deux armées vont de nouveau se trouver en présence, et les deux généraux en chef de la première période vont encore se mesurer dans cette reprise du tournoi, mais une importante modificafion a été introduite dans la composition dos partis. L'armée bleue, qui est toujours celle du général Galliéni, a été renforcée par le 9e corps; elle forme une masse de bataille de trois corps : les 9e, 10e et 11e, présentant un effectif de 80 000 hommes. Amputée du 9e corps, l'armée du général Marion est réduite à la division provisoire des coloniaux et chasseurs, et a la 9e division d'infanterie; mais elle reçoit de l'arrière un puissant renfort constitué par la division de réserve rassemblée au camp du Ruchard, et composée de six régiments groupés en deux brigades. Cette division est placée scus les ordres du général Groth, du cadre de réserve.
    Le théâtre des opérations se trouve transporté sur la rive droite de la Vienne, entre Chatellerault et Chinon; des ondulations assez prononcées, des petits bois nombreux donnent au terrain une valeur défensive que l'armée rouge va exploiter avec vigueur. Le général Marion qui la commande disputera le passage de la Vienne à son adversaire, mais moins fort numériquement, il ne pourra que prolonger la résistance dans la mesure que comporte sa mission. Il tient les points de Pouzay et de l'île Bouchard et s'éclaire vers l'ouest avec sa division de cavalerie.

     

    Du sud de Sainte-Maure de la Vienne jusqu'à l'ouest de Ligueil la bataille s'est déroulée. L'armée du général Galliéni couvrait le front Pouzay-La Haye-Descartes, le 10e corps à gauche, le 11e corps au centre, le 9e corps à droite; une division d'infanterie de ce dernier corps faisant un mouvement tournant pour envelopper l'aile gauche ennemie, la cavalerie du général Dubois à l'extrême droite.
    L'armée du général Marion faisait face à l'ouest : la division de réserve de Noyant à Maillé et au sud la 9e division d'infanterie, les chasseurs et l'infanterie coloniale étaient en arrière et se préparaient à faire un mouvement tournant ,sur le flanc droit de l'ennemi.
    Les villages de Maille, Drache, Marcav. Senmes. Cïvrav, Bournan furent le centre de la bataille. A la fin de la journée le spectacle autour de ces villages dépassait toute imagination : luttes ardentes entre les artilleries adverses, luttes plus ardentes encocre entre les infanteries, chargés de cavalerie, d'infanterie, rien n'y a manqué. Des contre-attaquee vigoureuses furent entreprises de part et d'autre. Cette journée est le digne couronnement des grandes manoeuvres de l'Ouest et certes on peut dire que l'âme de la Franoe a tressailli aujourd'hui. Notre armée est vivante; les troupiers sont admirables, ils ont donné la preuve d'une endurance remarquable et je doute fort que l'on trouve ailleurs des soldats comparables à ceux de notre pays. La France peut être fière de ses soldats.

     

    Résumé des grandes manoeuvres de l'ouest

    par un correspondant du Ouest éclair  du 12 au 19 spetembre 1912

     

     

     


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